Tous les cancers de prostate se suivent mais ne se ressemblent pas. Avoir un cancer de prostate ne signifie pas nécessairement pour un patient avoir des soins immédiats pour le traiter. Si certaines formes le nécessitent, d’autres, au contraire, méritent d’avoir un suivi rapproché après la réalisation d’un diagnostic précis. On parle alors de surveillance active.

POUR COMPRENDRE…

L’intérêt du dépistage généralisé par dosage de PSA total a été largement étudié et est régulièrement controversé. En 2012, les résultats à 11 ans de l’étude européenne sur le dépistage du cancer de prostate par PSA (ERSPC) ont été publiés et ont montré un gain de survie spécifique de 29% chez les hommes dépistés par rapport aux non dépistés (après ajustement par le taux de compliance) (Schröder FH et al [1]). Par contre ce gain de survie était pondéré par un taux de surdiagnostic et de surtraitement important de cancers non significatifs (i.e. : cancers de prostate définis comme sans risque pour la survie). En effet, pour prévenir un décès lié au cancer de la prostate il fallait dépister 1055 sujets et détecter 37 cancers.

QUEL PATIENT EST CONCERNE PAR LA SURVEILLANCE ACTIVE ?

De l’analyse de cette étude émerge la question de la prise en charge des cancers diagnostiqués à un stade très précoce et qui peuvent être à très faible risque de progression. D’après les dernières recommandations de l’Association Française d’Urologie, la surveillance active avec éventuellement un traitement différé est une option à visée curative pour les tumeurs à (très) faible risque (critères non standardisés mais généralement : T1-T2a avec PSA<10ng/ml et score de Gleason≤6 et 2 à 3 biopsies positives maximum) en alternative aux thérapeutiques immédiates (prostatectomie totale, radiothérapie externe conformationnelle, curiethérapie ou ultrasons focalisés de haute intensité, cryothérapie).

LES RESULTATS POUR LES PATIENTS

Le but de la surveillance active est de différer ou d’éviter le traitement radical chez des patients considérés comme porteurs d’un cancer non significatif. Le monitoring repose sur le dosage de PSA total par prise de sang régulière et la réalisation de biopsies systématisées à la recherche d’une progression ou d’une sous-estimation initiale du cancer diagnostiqué. La validité de cette approche a été confirmée par plusieurs séries prospectives, certaines ayant maintenant un long suivi (niveau de preuve 2). Dans l’étude de Klotz qui a inclus 450 patients dans un protocole de surveillance active avec un suivi médian de 7 ans, la survie spécifique rapportée à 10 ans était de 97.2% (Klotz et al [2]). L’essai « PIVOT » (367 patients surveillés versus 364 prostatectomies totales, suivi médian à 10 ans) n’a pas mis en évidence de différence de survie spécifique ou globale entre surveillance simple et prostatectomie totale (50% des patients étaient classés « faible risque »). Laprostatectomie totale était associée à un bénéfice en survie globale uniquement pour la population dont le PSA était > 10 ng/ml (p = 0,04) et une tendance à l’amélioration de la survie pour les groupes à risque intermédiaire et haut risque (p= 0,07) (Wilt TJ et al [3]).

LES LIMITES DE LA SURVEILLANCE ACTIVE

Malgré ces résultats oncologiques favorables et bien démontrés à long terme, la surveillance active reste encore peu proposée et peu acceptée par les patients du fait du risque de sous-estimation initiale de la maladie par les biopsies systématisées standards et qui se traduit par un taux de requalification précoce élevé (environ 30% à 1 an). Dans une mise à jour de la série de Klotz incluant 993 patients en surveillance active depuis 1995 et présentée au congrès de l’AUA à Orlando de mai 2014 (PD14-03), le taux de traitement différé était de 40%. L’indication du traitement était un temps de doublement du PSA rapide (<3 ans) dans 43% des cas, une progression du grade tumoral dans 35% des cas ou liée à une préférence du patient dans 6% des cas. Une meilleure estimation du volume et du grade tumoraux grâce à un échantillonnage fiable des cancers de prostate à l’inclusion permettrait un suivi moins invasif (notamment moins de biopsies durant la surveillance) et améliorerait l’acceptabilité des stratégies de surveillance active.

L’INNOVATION MEDICALE POUR LES CANCERS DE LA PROSTATE A FAIBLE RISQUE DE PROGRESSION

Parmi les options envisagées pour optimiser la performance de prise en charge des cancers de faible risque de progression, plusieurs essais cliniques sont en cours. C’est le cas de l’étude ARN509-IPC actuellement ouverte dans plusieurs centres en France. Elle propose aux patients sélectionnés selon la forme de leur cancer de prostate, s’ils le souhaitent, de rentrer dans un protocole qui compare la performance de la surveillance active avec celle d’un traitement médicamenteux systémique spécifique prescrit d’emblée. L’enjeu de cette étude comme d’autres est de faire bénéficier au patient de nouvelles stratégies de traitement pour canaliser sinon détruire le cancer de prostate en évitant d’avoir recours à des traitements plus invasifs.

 

[1] Schröder FH, Hugosson J, Roobol MJ, Tammela TLJ, Ciatto S, Nelen V, et al. Prostate-cancer mortality at 11 years of follow-up. N Engl J Med. 2012 Mar 15;366(11):981–90.
[2] Klotz L, Zhang L, Lam A, Nam R, Mamedov A, Loblaw A. Clinical results of long-term follow-up of a large, active surveillance cohort with localized prostate cancer. J Clin Oncol Off J Am Soc Clin Oncol. 2010 Jan 1;28(1):126–31
[3] Wilt TJ, Brawer MK, Jones KM, Barry MJ, Aronson WJ, Fox S, et al. Radical prostatectomy versus observation for localized prostate cancer. N Engl J Med. 2012 Jul 19;367(3):203–13

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